Favoriser le vivre ensemble et la visibilité

Le handicap ne doit plus avoir à se cacher ! Privilégions des activités exercées ensemble. Abstenons nous de toute mise à l’écart.

Mixité et visibilité créent de la prise de conscience, de l’ouverture, du lien social. Les bénéfices de la visibilité et du vivre ensemble sont partagés : les personnes en situation de handicap sont pleinement membres du corps social citoyen, participants capables d’interaction et d’action, personnes-ressources expertes dans leurs domaines de compétences et en capacité de contribuer à la société. Les personnes sans difficulté d’autonomie répertoriée témoignent, avec parfois une phase d’adaptation, d’un enrichissement, d’une prise de conscience, d’une expérience humaine de valeur à côtoyer des personnes handicapées dans l’action au quotidien.

Le thème de la mixité touche à des questions profondes sur ce qui constitue notre société. L’activer, c’est aussi concrétiser un apport majeur du handicap : une société « mixte » et ouverte à la différence est plus riche, plus solidaire, plus humaine. Le handicap, lorsqu’on lui laisse sa place et que l’on s’ouvre à lui, est un éclaireur d’humanité.

En ce sens, l’accueil des élèves handicapés à l’école, même s’il reste inachevé, marque depuis 2005 un progrès majeur. Une nouvelle génération d’enfants émerge qui se sont rencontrés et côtoyés à l’école et pour qui la place au sein de la société, au milieu de tous, est le statut normal des personnes en situation de handicap. Cette mixité commence même plus tôt que l'école : les crèches sont un formidable levier, le "berceau" de la société inclusive. Cependant, des évolutions majeures restent encore à mener dans plusieurs domaines pour promouvoir la mixité et accepter la visibilité.

Nous sommes encore assez isolés dans notre démarche de mixité et les lieux de pratique artistique pour tous rencontrent encore pas mal de difficultés pour accueillir tout le monde. Des expériences très positives sont menées un peu partout mais les stratégies d’évitement sont encore nombreuses, les groupes se vident quand des personnes handicapées arrivent
Sabine D'HALLUIN /
Directrice - La Compagnie des Toupies

HABITER PARMI LES AUTRES

Aujourd’hui le souhait des personnes handicapées est de pouvoir choisir leur lieu de vie, et le plus souvent de vivre chez elles parmi les autres. L’enjeu majeur, pour tous les acteurs de ce secteur, est la création d’une offre diversifiée d’habitat permettant l’exercice de ce choix. Que l’on parle d’établissement médico-social ouvert, externalisé, éclaté, d’habitat inclusif, intermédiaire, ou de logements autonomes avec des services d’accompagnement, on parle bien de la même chose : ouvrir le champ des possibles pour tous, des jeunes qui après une scolarité à l’école aspirent à une vie autonome dans un logement à eux, aux personnes vieillissantes pour qui le maintien du lien social est une priorité. C’est bien cette ouverture du champ des possibles qui crée les conditions de la mixité et de la visibilité.

ACCÉDER AU MONDE DU TRAVAIL

La question de la visibilité se pose également dans le domaine du travail. La représentation collective de la personne handicapée est celle du fauteuil. Or, aujourd’hui, 80% des personnes handicapées qui travaillent ont un handicap invisible. Dans les entreprises et administrations les actions de sensibilisation sont encore nécessaires, pour changer le regard sur ces 80 % de personnes atteintes de maladies chroniques évolutives, handicaps sensoriels, handicap cognitif ou psychique, etc.

Bien entendu, la sensibilisation n’est qu’un premier pas. Travailler ensemble est lié à des changements profonds dans l’entreprise : aménager l’environnement et les outils de tra­vail, mettre en oeuvre des organisations du tra­vail innovantes, créer un climat de confiance sur le long terme, prévenir la désinsertion pro­fessionnelle et les problématiques de santé au travail. Un accompagnement par des orga­nismes spécialisés est nécessaire dans ce do­maine, que ce soit auprès de grands groupes ou auprès de petites et très petites entreprises.

Au sein du secteur du handicap, de très nombreux ESAT (établissement et services d’aide par le travail) développent des activités valorisantes pour les travailleurs (restaura­tion, services aux particuliers, etc.). Les res­ponsables d’ESAT développent également des formes d’organisation du travail donnant une visibilité certaine aux personnes avec les ESAT hors les murs qui font véritablement partie d’un collectif de travail (équipe dédiée travaillant au sein d’une entreprise).

La situation des femmes est effarante : seulement 1 % des femmes handicapées ont un statut cadre (14 % des « valides »). Il faut sensibiliser les jeunes filles sur le « champ des possibles », ne pas les confiner à certains types de métiers, d’emplois qu’elles ne choisissent pas.
Dominique DU PATY /
Fondatrice - HANDIRESEAU
Quand on appelle de nos voeux une société inclusive dans la droite ligne de la loi de 2005, il n’y a pas d’espace potentiellement plus inclusif que les accueils de loisirs ou les structures d’accueil du jeune enfant, parce que ce sont l’un des rares lieux de vie sociale où il n’y a aucun objectif de performance, aucun but à atteindre et aucun prérequis en termes de compétence.
Laurent THOMAS /
Délégué général de la Mission nationale Accueils de Loisirs et Handicap

OUVRIR LES ESPACES DE LOISIRS

Enfin, le lien social se construit bien sûr dans une large mesure grâce aux loisirs, aux va­cances, à une pratique sportive ou artistique. Les loisirs, la culture sont, ou devraient être, des opportunités naturelles de mixité. Cependant, pour exemple, parmi les centres et accueils de loisirs pour enfants seuls 3 % accueillent au moins un enfant en situation de handicap, d’après une étude de la Fédération Loisirs Plu­riels. C’est pourtant dès l’enfance que le chan­gement de regard sur le handicap s’opère.

Les blocages ou les réticences sont fréquents dans le domaine des loisirs. Il est question ici d’évolutions profondes des mentalités et des pratiques, qui touchent aussi les personnes handicapées elles-mêmes et leurs parents : se présenter, demander sa place, accepter que soi-même ou son enfant exige des adap­tations et des efforts de la part des autres, n’a rien de facile.

Pendant les périodes de vacances, les parents n’ont pas de solution. Le centre de loisirs, ce n’est pas possible sauf si les parents financent eux-mêmes un poste d’accompagnateur pendant toutes les périodes de congés parce que l’enfant a effectivement besoin d’un soutien particulier pour pouvoir vivre dans ce collectif.
Valérie PAPARELLE /
Directrice générale - La nouvelle Forge
En matière de pratique sportive, la mise en réseau des protagonistes (jeunes, parents, clubs, éducateurs, etc…) n’est pas simple. Plusieurs freins existent comme la méconnaissance des possibilités pratiques ou la surprotection parentale. Le corps médical également n’est pas moteur et pense qu’une séance de kinésithérapie peut remplacer le sport. Mais le sport amène aussi du lien social.
Marie-Amélie LE FUR /
Athlète handisport